- HOLLANDAIS (EMPIRE COLONIAL)
- HOLLANDAIS (EMPIRE COLONIAL)En dépit de l’insuffisance de leurs assises territoriales, démographiques et économiques, les Pays-Bas ont bâti un empire colonial qui a suscité la jalousie de leurs puissants voisins. Cet empire est en effet à l’origine de la prospérité hollandaise: des comptoirs et possessions d’ExtrêmeOrient les vaisseaux des Pays-Bas importaient de précieuses épices. L’originalité d’une telle colonisation est d’avoir été menée par de grandes compagnies. Comme le rappelle Gaston Zeller: «La Compagnie des Indes orientales rassemble sous les auspices des états généraux des capitaux fournis par les diverses provinces. Elle a le monopole du commerce de l’Extrême-Orient à l’est du cap de Bonne-Espérance et à l’ouest du cap Horn, le droit de faire la paix et la guerre, de conclure des alliances, enfin de procéder à des occupations de territoires.» Ainsi se constitue un vaste domaine qui englobe à son apogée l’Insulinde, la Guyane hollandaise, Curaçao, Amba, Comba, Bonaire, la moitié de Saint-Martin, les comptoirs de la Guinée hollandaise. Au terme de nombreuses vicissitudes, l’empire hollandais n’a pu résister, après 1945, aux effets de la décolonisation.1. Dans l’océan IndienLa guerre d’Indépendance contre l’autorité espagnole n’était pas terminée que les Provinces-Unies songeaient déjà à construire un empire colonial. Dès 1592, Cornelius van Houtman part pour Lisbonne afin d’y rassembler les renseignements permettant d’entreprendre des expéditions aux Indes orientales. En 1594, les Hollandais fondent à Amsterdam la première Compagnie du lointain (Van Verre); sous le nom de ses neuf membres, d’autres capitalistes engagent des fonds dans la société. Quatre bâtiments partent en 1595 et reviennent deux ans plus tard: cette expédition de deux années n’a que de médiocres résultats financiers mais les indications sur le prix des épices dans les pays producteurs enflamment les esprits. Une nouvelle flotte est équipée par la Compagnie, et dans toutes les provinces maritimes se créent d’autres «compagnies du lointain», les «pré-compagnies». C’est ainsi que, de 1598 à 1603, treize flottes prennent la route des Indes. Malgré des naufrages désastreux, les bénéfices réalisés par celles qui réussissent vont jusqu’à 265 p. 100. Mais à l’achat en Asie, comme à la vente en Europe, les compagnies se font concurrence. En 1602, à la suite de tractations provoquées par Oldenbarnevelt, les différentes compagnies se fondent en une seule malgré la résistance des villes: la Vereenigde Oostindische Compagnie .Le poivre occupe encore, en 1650, une place prépondérante; en 1700, les textiles viennent en première place et, enfin, au XVIIIe siècle, surtout après 1730, le commerce du thé et du café se développe et, en pourcentage, la part des textiles tend à se stabiliser et même à reculer. Si le trafic des épices (noix de muscade, clous de girofle) a toujours rapporté un profit élevé, celui du poivre est devenu déficitaire.On possède peu de renseignements concernant les acheteurs sur le marché d’Amsterdam au XVIIe siècle; un peu plus au XVIIIe. Les gros commerçants acquièrent la cargaison d’un navire entier ou de tous les navires de la flotte. La vente se fait alors par un contrat qui interdit en particulier à la Compagnie de mettre en vente, pendant un certain délai, d’autres cargaisons de la même denrée, afin de ne pas faire baisser les prix. Parfois, aussi, les «directeurs» de la Compagnie fixent le prix de vente. Quant à la vente aux enchères, presque inexistante au début, elle se développe surtout au cours du XVIIe siècle. Les directeurs font parfois partie des syndicats d’acheteurs; d’où de violents conflits et des manœuvres de monopole, d’oligopole, de monopsone, d’oligopsone.Les exportations hollandaises vers l’Asie sont faibles. Les frais causés par le départ d’un navire pour Java sont supérieurs à la valeur de son chargement, ce qui explique que la Compagnie doive faire de gros bénéfices. Il existe deux comptabilités: celle de Hollande et celle des Indes, qui représentent, en fait, deux affaires distinctes. Il n’y a pas de vraie comptabilité à partie double. Sans doute possède-t-on livre-journal et grand-livre, mais ni compte capital ni compte de profits et pertes ne sont notés. Chaque année, à Amsterdam, on calcule ainsi le produit: la somme totale des frais d’équipement des navires partis est comparée à la somme des ventes des retours dans la même année; mais il ne s’agit pas des mêmes navires. Les bilans ne tiennent compte ni des immobilisations ni des autres formes de capital engagé; aussi font-ils souvent l’objet de critiques. Les directeurs se contentent d’une comptabilité approximative, qu’en hommes d’affaires expérimentés ils savent utiliser au maximum. Il convient de préciser cependant que la Compagnie n’a pas un monopole commercial absolu: sur le marché d’Amsterdam, ses produits se trouvent en concurrence, dès le XVIIe siècle, avec les produits venus d’Europe et d’Amérique par d’autres voies.Le commerce «d’Inde en Inde» se développe grâce aux comptoirs fondés dans l’océan Indien et le Pacifique; par exemple, de la côte de Coromandel la Compagnie exporte des textiles vers l’archipel malais, du riz, des légumes et des esclaves vers Ceylan et Batavia, et elle rapporte des épices et du poivre d’Insulinde, du bois de santal, des soies chinoises et du cuivre japonais.2. Dans l’océan AtlantiqueCréée en 1621 sur le modèle de sa sœur orientale, la Compagnie des Indes occidentales lance ses vaisseaux pirates qui commencent par piller les flottes ennemies. Ayant brièvement occupé Bahia (1624-1625), les Hollandais annexent Pernambouc et toute sa région jusqu’au Paraiba do Norte au nord et jusqu’au São Francisco au sud (1630-1654). Mais le commerce avec le Brésil ne va pas sans difficultés.Le monopole de la Compagnie et la liberté du commerceLes Hollandais hésitent sur le statut à octroyer à la Compagnie, comme en témoignent les différences qui existent entre les actes de 1634 et de 1638. Le monopole de la Compagnie est théoriquement absolu dès le début. Cependant, dans la pratique se produit une évolution. Le mécontentement des Hollandais du Brésil est compensé par l’existence d’un commerce clandestin. L’acte de 1634 proclame la liberté du commerce, sauf pour les vivres, les armes et les munitions. Des commerçants s’établissent à Recife, mais ils y vendent aussi des vivres, des armes et des munitions; leurs affaires vont jusqu’à menacer la Compagnie. Selon certains, la Compagnie détient si sûrement le commerce du sucre que rien ne pourra ébranler sa prépondérance; ils sont donc partisans du développement du commerce libre où ils ont souvent des intérêts, même en étant membres du conseil de la Compagnie. Pour d’autres, au contraire, le commerce libre risque, à terme, d’entraîner la faillite de la Compagnie; de plus, il fait monter les prix, au détriment des salariés et en particulier des fonctionnaires de la Compagnie. Devant les «chambres» de la Compagnie, en 1638, Jean-Maurice de Nassau prend officiellement parti pour la liberté; le temps des monopoles prospères est révolu. Seul le commerce libre peut rapporter désormais. Il en résulte l’acte des états généraux de 1638 qui ne maintient le monopole que pour les esclaves, le bois brésil et le matériel de guerre. Le commerce libre peut être pratiqué par le personnel de la Compagnie.Les importations et les exportationsOn ignore dans quelle mesure les importations et les exportations s’équilibraient, puisqu’une partie dépendait du commerce libre. Au début, les premières ont dû être considérables, les besoins étant énormes à cause de la présence des troupes, des frais d’installation et des destructions systématiques opérées par les Portugais. Quant aux marchandises exportées (sucre et sucreries, tabac, cuir, bois brésil et jacaranda), elles sont les mêmes que celles du Brésil portugais; mais elles parviennent à Amsterdam, sans passer par Lisbonne. Il s’ensuit une baisse spectaculaire des prix de ces produits sur le marché de ce grand port européen; à partir de 1662, l’indépendance du Portugal a pour conséquence une remontée des prix.C’est entre trente et soixante navires qui passent chaque année à Recife, à quoi il faudrait ajouter les flottes parfois très importantes (soixante-dix navires en 1648 pour celle de Witte de With). Après la perte du Brésil (1654), les Hollandais développent le commerce avec leurs Antilles et la Nouvelle-Amsterdam; partout ils s’efforcent de jouer le rôle de courtiers et de transporteurs pour les autres puissances.3. De 1770 à 1870La Compagnie hollandaise des Indes orientales a connu à la fin du XVIIIe siècle une période de décadence. Il devient de plus en plus difficile de recruter des équipages. Les fonctionnaires, corrompus pour la plupart, commercent pour leur propre compte; ils pressurent les populations locales et se font verser des contributions en nature plus importantes que ne l’exige la loi; ils prêtent à des taux usuraires les fonds de la Compagnie, tolèrent les extorsions des Chinois auprès des paysans, parfois en profitent eux-mêmes. À Batavia, la population est victime de la misère: un service de l’annone se crée, qui distribue riz et huile. Lors de la quatrième guerre avec l’Angleterre (1780-1784), les Hollandais perdent Negapatam sur la côte de Coromandel, et ils sont contraints d’accorder un libre passage aux navires anglais dans les eaux de la Compagnie.Lorsque la Hollande devient la République batave (1795-1806), sous la domination française, l’Indonésie passe du côté de la France. Cette colonie eût été la victime de l’Angleterre si elle n’avait été visitée régulièrement par les navires neutres, américains et danois. Quant à la Compagnie, que les Français considèrent comme une ennemie, elle fut supprimée dès 1796 et les Heeren XVII remplacés par un «comité». Il avait été prévu par la Constitution de la République batave qu’à l’expiration de la charte, en 1799, la Compagnie serait rachetée par l’État.De 1806 à 1811, pendant la durée du royaume de Hollande, le gouvernement des Indes fut confié au maréchal hollandais Daendels, partisan des «patriotes». Il réprima les abus et déplaça la capitale, Batavia, qu’il établit dans une région plus salubre. Concentrée sur Java et Amboine, la défense fut réorganisée.Lors de l’abdication du roi de Hollande en 1811, le pays fut annexé par la France. Les Anglais s’emparèrent des Indes qu’ils conservèrent jusqu’en 1816. Le gouverneur Raffles tenta, mais en vain, de faire des îles un débouché important pour l’industrie britannique.De 1816 à 1829, les Hollandais reprirent les Indes, mais demeurèrent indécis dans la politique économique, certains administrateurs préférant maintenir le libéralisme de Raffles, d’autres voulant rétablir les anciennes méthodes. Il s’ensuivit une révolte, la guerre de Java (1825-1830). Le monopole du commerce extérieur des Indes orientales fut donné à la Nederlandsche Handel Maatschappij (N.H.M.), créée en 1824, et dont la prospérité résultait du développement de l’industrie dans les Pays-Bas du Sud. L’indépendance de la Belgique obligea les Hollandais à développer leur propre industrie à partir de 1830.La même année, un nouveau gouverneur général, Van den Bosch, fut envoyé pour mettre en œuvre le cultuurstelsel , le «système de culture»; l’administration dirigeait un secteur important de la production agricole et devait en verser les revenus à la métropole, système voisin de celui qui avait été institué dans la partie occidentale de Java. Pour ce faire, Van den Bosch utilisa, à partir de 1832, des entrepreneurs, chinois pour la plupart. Cependant, cette tentative se solda plutôt par un échec, car les cultures «libres» occupaient encore de vastes surfaces.En revanche, la N.H.M. tirait des bénéfices des commissions que lui valait son rôle de transporteur. Van den Bosch avait demandé que soient accordées des subventions à l’exportation vers les Indes orientales, pour lutter contre la concurrence anglaise. D’autre part l’industrie hollandaise se développait, surtout à Twente, dans le nord du pays.4. L’époque contemporaineIntroduit en Hollande par la révolution de 1848, le régime libéral fut plutôt une entrave à la solution des problèmes coloniaux. Toutefois, l’arrivée au ministère de De Waal (1870) marque le début d’une nouvelle politique économique hollandaise dans l’Insulinde. Le système, qui avait eu surtout pour but de faire verser par les Indonésiens une contribution aux finances hollandaises, faisait place à une véritable mise en valeur du pays.La politique de De Waal en Insulinde survient quelques années après l’abolition de l’esclavage dans les colonies hollandaises (1860), importante pour la Guyane où vivaient 36 000 esclaves sur une population totale de 55 000 habitants et pour les Antilles hollandaises qui en possédaient 11 000 sur 31 000 habitants. Désormais, ces vestiges des possessions de la Compagnie des Indes occidentales connaissent une assez grande stabilité.Au contraire, l’Insulinde se transforme, non seulement économiquement mais aussi politiquement. Les émeutes de la faim à Atjeh en 1873 révèlent l’existence d’un sentiment nationaliste qui aboutit à la naissance d’un mouvement anticolonial (Bœdi Outomo, 1908; Sarekat Islam, 1912). En 1917, ce mouvement obtient une modification du statut politique des Indes néerlandaises et la création d’une chambre, le Volksraad . Cette concession de la métropole est confirmée dans la Constitution hollandaise de 1922. Mais les revendications se font plus vives, stimulées par l’action efficace du Parti national indonésien dirigé par le docteur Sukarno à partir de 1927. Après l’occupation japonaise (1942-1945) qu’ils n’ont pu empêcher, les Hollandais reconnaîtront la République indonésienne proclamée le 17 août 1945. L’indépendance est totale à partir du 10 août 1954.Ainsi, au milieu du XXe siècle, l’empire colonial hollandais ne comprend plus que des territoires américains: la Guyane, l’île de Saint-Martin partagée avec la France.
Encyclopédie Universelle. 2012.